Il y a deux mille ans, les premières communautés chrétiennes étaient persécutées pour leur foi et la pratique de leur culte. Aujourd’hui, c’est une nouvelle forme de martyre qui afflige la dizaine de millions de chrétiens d’Orient. Alors que ces derniers ont toujours été les garants d’une tradition orientale d’œcuménisme, de tolérance, de stabilité et de dialogue entre toutes les religions, ils sont désormais devenus, en Irak, en Egypte, au Nigéria, les principales victimes des organisations terroristes islamistes.
L’éradication programmée, depuis plusieurs années, de ces hommes et de ces femmes, pour qui la pratique de leur culte est le plus souvent l’expression d’une certaine forme de laïcité orientale et, désormais sournoisement mise en œuvre, n’est pas simplement révélatrice du chaos qui caractérise la région de la Libye à l’Irak, en passant par la Syrie. Il s’agit aussi de la survie d’un Orient multiculturel et multiconfessionnel, meilleur gage de résistance aux extrémismes et obscurantismes.
Il est aussi le miroir d’un Occident défaillant dans son analyse de la Realpolitik, et ce, au gré de la dilution des Etats nations arabes, née des deux guerres en Irak et du conflit qui dure en Syrie depuis plus de trois années, qui voit naître une coupable coopération entre certains Etats et organisations terroristes.
Le calvaire des Chrétiens porte en lui les stigmates d’un Proche-Orient, dont les bases sociétales ont explosé, mettant en danger le pacte social qui leur avait assuré prospérité et une certaine forme de stabilité depuis leur indépendance dans la première partie du XXème siècle… En Egypte, où près de 500 églises et écoles coptes ont été incendiés ; au Liban, où, depuis les accords de Taef de 1989, la place des chrétiens maronites – désormais disputée au sein des institutions – fragile l’équilibre sécuritaire du pays ; en Syrie, où les discriminations à leur égard et les récentes prises d’otages des évêques d’Alep, ne cesse de rendre caduque l’avenir d’un Syrie interreligieux ; en Irak, où ils sont désormais devenus la cible privilégiée des djihadistes de l’Etat islamique en Irak (EI).
Les récents événements dramatiques ayant provoqué l’exode forcé de plus de 5000 chrétiens de la ville de Mossoul, deuxième ville d’Irak et ville du prophète commun aux trois religions, Jonas, suite à l’obligation de payer le « Jizia », l’impôt traditionnel que les djihadistes de l’EI ont décidé d’imposer aux chrétiens, ne laissent à ces derniers guère le choix : la conversion forcée à l’Islam ou le départ.
Ce n’est hélas, que le dernier soubresaut du « calvaire » qu’endurent les Irakiens et plus singulièrement les 400 000 Irakiens chrétiens, concentrés à Bagdad et autour d’Erbil : Ils étaient néanmoins 1,5 millions avant 2003 ! Depuis, les chrétiens irakiens sont stigmatisés : 61 églises ont été attaqués et un millier d’entre eux ont été tués.
Alors qu’ils représentaient près de 20% de la population vivant au Proche-Orient jusque dans les années 1950, ils ne sont plus que 8% aujourd’hui, et ne devraient pas dépasser 3% d’ici 2025, si rien n’est fait pour leur assurer un avenir dans une terre qui a pourtant donné naissance aux trois religions monothéistes.
Bien qu’un certain silence médiatique semble régner sur le funeste sort de populations, héritiers directs d’un christianisme qui a pris naissance à Antioche, dans l’actuelle Turquie, la France, qui a toujours revendiqué son statut de défenseur des Chrétiens d’Orient s’honorerait à être aux avant-postes pour leur assurer leur survie et garantir leur sécurité chez eux.
Car au-delà du drame humain qui se joue, sous nos yeux, en Mésopotamie, il en va aussi d’une certaine responsabilité de la France au Levant et au Maghreb, dans une région parfois qualifiée d’Orient compliqué, mais qui n’aspire qu’à revoir une politique étrangère française s’affirmer, dans sa justesse et son sens de l’équilibre, entre amitiés arabes et solidarité sur le plan sécuritaire avec Israël, telle qu’elle s’est caractérisée, du reste, depuis 1967.
Comme nous avions aussi prévu de le faire sous l’ancienne mandature, le Président de la République, François Hollande, a décidé de favoriser l’installation sur notre territoire de ces chrétiens orientaux, injustement opprimés car ils représentent d’une certaine façon notre conception universelle et multiculturelle, et qui n’ont plus que le choix entre le cercueil ou la fuite.
Dans le contexte actuel de mobilisation, en France, je me réjouis de la mobilisation politique et notamment parlementaire sur cette question, à laquelle je m’associe pleinement. Il s’agira, dès la rentrée parlementaire, de demander au Président de la République, de faire néanmoins davantage que d’accueillir sur notre sol, ces réfugiés religieux d’un nouveau genre.
Il convient désormais d’exiger que le Conseil de Sécurité des Nations Unies puisse adopter une résolution garantissant le respect de la liberté de religion et de conscience, celui de la liberté de culte et d’enseignement, de l’expression des droits des minorités religieuses et bien évidemment la protection des lieux de culte.
Bien évidemment, la saisine de la Cour Pénale Internationale (CPI) reste une option à envisager, afin de sanctionner les violations faites aux droits fondamentaux des Chrétiens d’Orient (violences physiques et morales, conversions forcées, actes de tortures, enlèvements et traitements cruels, inhumains ou dégradants…). Néanmoins, le cas irakien nous ramène à une autre triste réalité : celle d’un Etat en ruine, incapable de s’opposer à la mainmise de la moitié de son territoire et désormais forcé de cohabiter avec l’organisation terroriste de l’Etat Islamique.
Face à cette réalité stratégique, hélas subie, l’heure est désormais venue de prendre en « compte » et non seulement prendre « acte » des nouveaux équilibres de force et de stabilité régionaux.
Assurément, le retour sur la scène internationale, africaine et arabe, de la « puissance » militaire et diplomatique de l’Egypte, tout comme la « centralité » spirituelle de l’Université al-Azhar du Caire, garant d’un Islam du juste milieu et défenseur de la tolérance religieuse entre musulmans, coptes et chrétiens orientaux, depuis sa fondation en 1050, doivent être des alliés dans ce combat pour un Proche-Orient de la tolérance, de la paix et de la sécurité partagée.
Au-delà, Téhéran et Ankara, par leur impact sur la diplomatie régionale, et dont l’insécurité irakienne impacte sur la leur, sont des partenaires que chacun d’évidence considère comme incontournables mais, qui demeurent insuffisamment engagés à nos côtés sur cette question.
En octobre 1986, à Assise, se tenait une réunion interreligieuse, sous la forme de la « Rencontre des religions pour la paix », inédite depuis plusieurs siècles, témoignant de la prégnance du dialogue Islam-Judaïsme-Christianisme. Des réunions similaires eurent lieu, par la suite à Munich et de nouveau à Assise en 2011.
Sans doute, est-ce le moment d’appeler de nos vœux la tenue d’une initiative de cette ampleur, dont la protection et la garantie de liberté d’expression des minorités religieuses devraient être la condition sine quae non d’engagement des autorités religieuses autant que des responsables politiques, à qui incombe la sécurité matérielle autant qu’immatérielle de tous les citoyens.
Sources :